Conférence en Sorbonne sur la propriété intellectuelle vue par Barbie

Jane Ginsburg, professeur en droit à la Columbia Law School, était l’invitée récemment du programme Alliance pour présenter une conférence sur le droit d’auteur et des marques en droit américain.

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Panthéon-Sorbonne University
January 09, 2017

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne compte de nombreux accords, dont certains avec de grands établissements très prestigieux. Créé il y a 15 ans désormais, le programme Alliance est ainsi un partenariat entre Columbia University (New York), l’Ecole Polytechnique, Sciences Po Paris et Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Son objectif principal et sa raison d’être sont de favoriser les échanges entre ces quatre établissements, sur le plan pédagogique comme scientifique. Ce programme contribue ainsi à la coopération et à l’innovation franco-américaine en matière de formation, de recherche et, plus largement, au dialogue transatlantique. Dans ce cadre, par exemple, Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Columbia ont déjà pu développer plusieurs initiatives communes : des doubles diplômes et des diplômes conjoints ; des échanges d’enseignants-chercheurs, de doctorants et d’étudiants ; des projets communs en matière de recherche, de formation ou encore des manifestations scientifiques.

Vendredi 6 janvier s’est ainsi déroulée une conférence en Sorbonne de Jane Ginsburg, invitée "Alliance" et professeur en droit de la propriété littéraire et artistique à Columbia Law School, sur un sujet complexe mais ludique : "La propriété intellectuelle vue par Barbie et Mickey : la relation réciproque entre droit d’auteur et droit des marques en droit américain". Cette conférence, organisée par l’Ecole de Droit de la Sorbonne, la Direction des relations internationales et le Service Communication de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a été l’occasion d’aborder plusieurs thèmes et de nombreuses questions. Par exemple, comment la jurisprudence américaine a-t-elle évolué en matière de parodie et d’autres formes d’expression des marques ?

L’évolution de la jurisprudence américaine

Après une introduction de Georges Haddad, le Président de l’université, Jane Ginsburg a débuté sa conférence dans un amphithéâtre Bachelard complet. "Il était une fois, la jurisprudence américaine en matière de la parodie de la marque et d’autres utilisations "expressives" des marques était dans un état aussi embryonnaire qu’actuellement en Europe. On pouvait en effet se demander si le droit - ou les juges - était dépourvu de sens d’humour. Au fil du temps, cependant, les cours et tribunaux aux Etats-Unis ont été amenés à douter que le public puisse être induit à confondre la blague du prétendu contrefacteur avec les produits ou l’approbation du détenteur de la marque ciblée.  Les juridictions ont même indiqué que, lorsque les utilisations expressives des marques étaient en cause, le droit fondamental à la liberté d’expression (assuré, aux Etats-Unis, par le premier amendement de la Constitution) obligerait l’ayant droit à une démonstration particulièrement convaincante de la probabilité de confusion.  Ces décisions ne se sont pas toujours explicitement référées à l’exception de fair use en droit d’auteur, mais les considérations qui sous-tendent l’exception au droit d’auteur semblent également influencer le droit des marques. L’incidence de l’analyse du droit d’auteur sur celle du droit des marques paraît de ce fait inévitable car, dans plusieurs des affaires où le fair use l’a emporté, il s’agissait non seulement de la contrefaçon du droit d’auteur mais aussi des marques. Ce n’est donc pas surprenant que l’analyse qui valait pour le droit d’auteur ait été répercutée sur celle du droit des marques, surtout lorsque la cible de la critique humoristique était une poupée portant le nom de Barbie", a tout d’abord expliqué Jane Ginsburg.

L’exception au droit d’auteur de fair use

La professeure en droit de la Columbia Law School a ensuite abordé le "revers de la médaille. Tout comme le droit d’auteur a influencé l’évolution du droit des marques aux Etats Unis, le droit des marques a, pour sa part, évolué dans une relation réciproque avec le droit d’auteur, en prorogeant par exemple potentiellement le délai de protection de certaines œuvres de l’esprit, notamment des personnages de bande dessinée ou de dessins animés. Le feu Justice Scalia avait repoussé une tentative de prorogation du droit d’auteur par le biais d’un recours au droit des marques, tentative qui, selon lui, aurait produit "une espèce de droit d'auteur mutant limitant le droit du public de copier et d’utiliser des œuvres dont le droit d’auteur est expiré." Mais des différences quant à la nature et à la finalité du droit d’auteur et du droit des marques en fait rendent possible la résurrection sous forme de marques des œuvres mortes, du point de vue du droit d’auteur. Des principes au sein du droit d’auteur, cependant, limitent la quantité d’œuvres susceptibles de devenir de tels vampires."

Dans la suite de son exposé, Jane Ginsburg a expliqué comment l’exception au droit d’auteur de fair use a permis aux juges fédéraux, en matière de marques, de donner cours à leurs pulsions comiques, avant d’aborder le conflit éventuel entre la durée potentiellement illimitée d’une marque et la durée limitée du droit d’auteur, notamment dans le cas des personnages tels que Mickey. Enfin, comme preuve additionnelle de la relation réciproque du droit d’auteur et du droit des marques, Jane Ginsburg a évoqué un développement plus récent, à savoir la conversion de signes distinctifs en personnages protégeables par le droit d’auteur.

Louis Bertrand pour #LeSorbonn@ute

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